La blague du perroquet qui parle yiddish

Abraham est un veuf désespéré qui trimballe sa carcasse sur un trottoir parisien, espérant secrètement que quelque chose de bien lui arrive dans sa moche de vie. Passant devant une animalerie, il entend une voix chevrotante crier en yiddish :
– Quawwwwk…vas macht du… Oïïï, du… là dehors, t’as l’air d’une andouîîîllle…eh ?

Abraham se frotte les yeux, ou plutôt se débouche les oreilles. Il n’y croit pas. C’est un perroquet qui vient de lui parler à lui, et en yiddish encore !

Alors il rentre dans le magasin. Et se plante devant le Gris du Gabon qui l’avait interpellé lorsqu’il passait sur le trottoir, et il demande au vendeur :
– C’est vrai, il sait vraiment parler yiddish ?
– Ouais monsieur, c’est un juif polonais qui me l’a vendu la semaine dernière !

Abraham pense que ce perroquet et lui étaient destinés à être réunis (sinon pourquoi l’aurait-il interpellé dans la rue), et c’est avec enthousiasme qu’il fait un chèque de 1000 euros et qu’il repart avec son Gabonais.

De retour chez lui, il se met à parler yiddish avec le Psittacidé. Il lui parle de sa femme, du reste de sa famille, de ses amis… Et le perroquet lui raconte sa vie chez son ancien propriétaire, puis la tristesse de la vie dans une animalerie etc… Enfin, après avoir parlé toute la nuit, Abraham va se coucher.

Le lendemain, Abraham commence la journée par ses prières. Le perroquet lui demande ce qu’il fait, et Abraham en profite pour lui expliquer le judaïsme…. Et le perroquet demande alors à prier lui aussi. Alors Abraham lui bricole une mini kipah* et le volatile se met à prier en yiddish.

Puis l’oiseau émet le voeu d’apprendre à lire l’hébreu. Alors Abraham s’attelle à la tâche, passant des semaines et des mois à apprendre au perroquet la Torah. Tant et si bien qu’Abraham en vint à considérer Coco comme un vrai ami.

Un matin de Rosh ha-Shana**, Abraham se leva, s’habilla et s’apprêtait à partir lorsque Coco lui demanda de l’emmener avec lui. Abraham lui expliqua que la synagogue n’était pas un endroit pour lui, mais le perroquet insista tellement qu’Abraham décida de l’emmener, perché sur son épaule.

Lors de leur arrivée à la synagogue, tout le monde se pressa autour d’eux, y compris le rabbin. Le rabbin, justement, dit à Abraham que ce n’était pas une place pour un oiseau, fut-il parleur. Mais Abraham qui connaissait le rabbin depuis tellement longtemps obtint gain de cause.

Lorsqu’ensuite Abraham dit à tout le monde que son Coco était capable de prier en yiddish, alors là, tout le monde voulu parier sur l’affaire. Et Abraham n’hésita pas à tenir les milliers d’euros engagés…

Naturellement, pendant le service, tout le monde eut les yeux tournés vers le perroquet, mais le perroquet perché sur les épaules d’Abraham n’ouvrait pas le bec ! Abraham commençant à s’impatienter lui dit :
– Eh bien vas-y Coco, prie !
Mais Coco ne disait toujours rien

– Allez Coco, s’il te plaît… Tout le monde te regarde et j’ai tellement parié sur toi. Ne me laisse pas tomber !
Mais Coco se taisait.

A la fin du service de Rosh ha-Shana, Abraham calcula qu’il devait plus de 3000 euros à ses copains et au rabbin pour avoir perdu son pari.

Et il rentrait chez lui, à nouveau perdu dans ses pensées profondément tristes, lorsque Coco se mit à fredonner un vieux chant yiddish… Visiblement Coco était très joyeux, lui !

Abraham s’arrêta, le regarda et lui demanda :
– Dis-donc toi, misérable emplumé. Tu es responsable des 3000 euros que je dois à mes copains. Pourquoi m’avoir fait ça à moi ? Je suis ton ami, je t’ai tant appris : l’hébreu, les prières, la Torah… C’est là toute la reconnaissance dont tu peux faire preuve ? Pourquoi m’avoir fait ce coup là ?

Et alors Coco lui répond :
– ha, ne soit pas si bête… Pense un peu à la cote qu’on aura pour Yom Kippour*** !

* la calotte pour les prières
** jour de l’an
*** jour du grand pardon (10 jour après le nouvel an)

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